lundi 21 avril 2008

"Entreprise à traction animale"

« Entreprise à traction animale », c’est ainsi que Jean-Jacques Séité définit son activité. Certes, l’homme de Guilers dans le Finistère consacre du temps au débardage avec ses traits bretons. Mais au fil des années, il a réussi à diversifier le champ de ses compétences. En particulier dans des interventions innovantes liées à la protection de l’environnement.
Le chantier de Landévant dans le Morbihan en est un bon exemple. Espace naturel protégé classé Natura 2000, la lande du Bois de Listoir souffrait d’une amorce de colonisation par des bouleaux. Ramsès, trait breton de 3 ans, Jean-Jacques et son fils Vincent ont été appelés pour procéder à l’arrachage des essences indésirables. Tâche ardue mais accomplie sans encombres.
À la fin du chantier, Ramsès a à nouveau été sollicité pour procéder au ramassage d’environ un millier de protections plastiques antichevreuils qui avaient été installées autour de plants d’aulnes. Milieu humide couvert d’ajoncs, de genêts, et de différentes plantes herbacées, la lande se laisse difficilement approcher. Son sol spongieux la protège des intrusions intempestives, celles d’engins motorisés par exemple. Le cheval de trait offre une solution idéale pour réaliser des travaux d’entretien.
Les landes bretonnes sont le résultat de défrichements très anciens qui avaient pour but de fournir des lieux de pâture aux troupeaux. Milieu ouvert, lumineux, la lande offre un abri à une grande variété d’insectes et de papillons. Mais contrairement aux idées reçues, elle nécessite un entretien régulier pour éviter une colonisation par les bouleaux dans un premier temps puis par d’autres essences, ce qui lui ferait perdre ses caractéristiques pour redevenir un espace boisé.
Depuis plusieurs années, J.-J. Séité tente d’élargir le champ d’action de ses chevaux de trait à diverses activités liées à l’entretien des milieux naturels. Pendant de trop longues années, les gestionnaires de ces espaces n’ont eu que le réflexe de la mécanisation lourde pour leurs interventions, reléguant la traction animale au rang des antiquités. Les menaces environnementales pressantes et le coût de plus en plus élevé des énergies fossiles amènent à reconsidérer la traction animale comme une réponse pertinente à de nombreux travaux d’entretien d’espaces sensibles.
Mais la méconnaissance des possibilités offertes par la traction animale dans ces domaines liés à l’environnement est évidente. Il serait souhaitable, et urgent, que toutes les forces traditionnelles qui oeuvrent au développement et à la promotion du cheval de trait se concertent pour répertorier par tous les moyens disponibles les possibilités offertes par la traction animale. Le domaine de l’environnement représente à l’heure actuelle un gisement important de travail. Mais cela ne pourra se concrétiser que si les gestionnaires disposent d’informations précises et fiables sur les possibilités de ces techniques et sur les professionnels certifiés aptes à accomplir ces tâches.
De leur côté, les acteurs de la traction animale ne peuvent se permettre l’amateurisme. La gestion de chevaux de travail ne s’improvise pas. De plus, les chantiers environnement répondent à des cahiers des charges très précis avec des obligations à respecter à la lettre. Le travail lui-même fait appel à des connaissances pointues en matière de gestion des milieux naturels. Ce sont en fait de nouvelles formes d’activité qui se mettent en place pour les acteurs les plus dynamiques et les plus innovants de la filière traction animale.
L’image du débardeur traditionnel empilant ses grumes en bord de layon s’estompe, au profit d’un professionnel multiservices des milieux naturels. Ce qui donne raison à J.-J. Séité quand il utilise l’expression « entreprise à traction animale » qui devrait à terme supplanter celle de « débardeur au cheval ».
JLD.
Photo 1 : Vincent Séité rassemble les protections antichevreuils.
Photos 2, 3, 5 : Élodie Baudin, en formation au CFPPA de Montmorillon, seconde J.-J. Séité.
Photo 4 : Les drosera, plantes carnivores, ne sont pas encore de retour, mais cela ne devrait pas tarder.

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