vendredi 9 mai 2014

Et Si C'Était Une Chance ?


Depuis quelques années, l'élevage du cheval de trait, donc du cheval percheron, n'est qu'une longue et lancinante plainte qui s'élève au-dessus des vertes pâtures.
Le désengagement de l'État accompli en quelques années s'est accompagné d'un chapelet de "fins". Fin des étalons nationaux, fin des achats d'étalons, fin des primes, fin de l'implication des personnels des Haras nationaux... Moral en berne, l'éleveur, en proie à un fort sentiment d'abandon, passe de l'incompréhension au découragement, ressassant en boucle que "c'était mieux avant".


La fin de ce que certains n'hésitent plus à appeler l'assistanat n'est pas la fin du monde. C'est peut-être aussi une chance. Celle d'une profonde et nécessaire remise en cause. L'élevage routinier, sous perfusion, celui pratiqué depuis des décennies, n'a aucune chance de perdurer dans un monde qui fait de la performance économique et de l'innovation ses chevaux de bataille. Le cheval de trait se voit gentiment mais fermement poussé à se prendre en charge. Cela veut dire avant tout penser la finalité de l'élevage. Un cheval de trait, pour quoi faire ?


Débouché émergent depuis vingt ans, l'utilisation sous toutes ses formes représente un espoir. Les chevaux de trait et le cheval percheron n'ont d'autre choix que de jouer à fond cette carte de l'utilisation.
Cela ne peut se faire qu'en créant autour du cheval de trait une réelle dynamique de cheval de travail.
Pratiquement tout reste à faire.
Morphologie, allures, aplombs, comportement, vont devenir les éléments de base du travail de l'éleveur. Avec comme perspective, dans quelques années, que chaque produit mis sur le marché soit documenté d'un bilan de caractérisation. Les premières ébauches de caractérisation mises en place sur quelques concours l'année passée et la Journée caractérisation qui va se tenir le 24 mai prochain sur le site du Parc naturel régional du Perche à Nocé ne sont que les prémices de ce qui est à venir.


Aller vers "l'utilisation" du cheval percheron et des chevaux de trait implique d'aller vers la professionnalisation de tous les échelons de la filière. De quels accompagnements peuvent à l'heure actuelle bénéficier ceux qui font le choix de la traction animale ? L'offre est modeste, en dehors peut-être du secteur du cheval territorial davantage structuré grâce au travail accompli par la Commission nationale des Chevaux territoriaux depuis 10 ans.
L'avenir du cheval percheron ne pourra se bâtir en s'accrochant aux schémas du passé. L'heure n'est plus à l'élevage pratiqué comme la simple sauvegarde d'un patrimoine génétique, fût-il chargé d'un glorieux passé. L'avenir ne peut se construire que sur l'implication de la race dans la vie économique et sociale de notre société. Ce n'est pas en faisant du percheron un animal domestique ou encore de musée que l'on assurera sa survie mais en lui offrant des activités décentes et respectueuses de cheval de travail en phase avec la réalité économique ambiante.

S'il est coutume de dire que c'est "l'élevage passion" qui a sauvé le cheval de trait, on peut désormais être certain que cela ne suffira pas à lui forger un avenir dans un contexte économique où la performance est le maître mot.
On ne peut actuellement avoir la certitude que l'utilisation sera la voie salvatrice du cheval percheron, mais cela semble être pour le moment la seule qui s'offre à lui.

4 commentaires:

Brigitte Guillaume a dit…

Une des clefs de cette évolution, c'est la préparation des chevaux... Rendez-vous tous, le 24 mai prochain, pour le parcours de caractérisation des chevaux Percherons, au Parc Naturel du Perche...

christophe Bordez a dit…

Enfin on parle d'utiliser les percherons ?! Tes propos sont du p'tit lait Jean Léo! A mes débuts sur ton blog je m'étais risqué à ouvrir des yeux et des esprits "immobiles" (je pense avoir laissé une petite trace sur la planète percheronne !).
Je parlais d'offre et de demande. Sur le marché du percheron, c'est la demande qui fait l'offre alors que sur tout autre marché c'est l'inverse (le plus fort c'est qu'on s'en rend même pas compte !).
Pour info consultez les engagés au concours d'attelage de Rennes (concours "majeur" dans la saison) sur le site attelage.org et constatez le nbre de chevaux de trait... Une des utilisations "sportives" où il faut des chevaux avec un bon mental, souples qui se déplacent...(Les boulonnais, bretons et cobs sont bien présents).
Percheronnement
Christophe

Brigitte Guillaume a dit…

Qui prépare des chevaux pour l'utilisation en débardage, pour les vignes, pour l'attelage ?
Personne ne le sait ! Rien n'est référencé !
Personne n'est jamais disponible ou presque pour apprendre à mener, il faut courir aux quatre cents diables pour avoir des cours et pas une seule liste de tout cela nulle part... Chacun fait son bouiboui dans son coin !
Les meneurs sportifs pensent qu'ils sont des sauveurs, les éleveurs pensent qu'ils sont les meilleurs, les meneurs râlent après les éleveurs et les préparateurs... Qui sont les préparateurs sérieux qui prennent le temps de préparer d'autres chevaux que les leurs en autant de temps qu'il le faut ?
Le jour où il y aura une liste consultable avec les éleveurs/les préparateurs/les moniteurs/les utilisateurs par spécialité, par département et pour toute la France, ce sera plus simple pour tout le monde et tellement plus pratique... pour évoluer !

Sylviane Letertre a dit…

Aïe-aïe-aïe, Brigitte, tu appuies là où ça fait mal !
Ce fameux référentiel "ressources humaines",avec liste éleveurs-préparateurs-utilisateurs-moniteurs, cavaliers-meneurs, n'existe pas mais il en a été question.
Problème : QUI fait ça ? Ça demande du temps, de la persévérance (...), de la motivation. On ne peut pas tout demander à la SHPF, nos deux amies sont déjà surbookées.
Donc, tout le monde sera d'accord avec toi, mais bon... "Bouh ! On verra demain !"